EXPERT INVITÉ. Depuis quelques mois, le marché immobilier est en mode rattrapage après un printemps très tranquille. Les acheteurs sont nombreux et la baisse des taux d’intérêt permet à certains d’augmenter leur budget. En même temps, les vendeurs, pour leur part, ne sont pas aussi présents qu’avant la pandémie, ce qui crée un marché fortement à leur avantage dans plusieurs régions du Québec.
Tendances provinciales — août 2020
Desjardins a annoncé le 3 septembre dernier maintenir ses allégements hypothécaires et ses autres mesures d’aide. Or, les reports de paiements devaient se terminer en septembre pour plusieurs. Ainsi, si certains prêteurs continuent de soutenir les ménages en difficultés financières, le nombre de reprises de propriété devrait rester faible, ce qui continuera de contribuer à la faiblesse de l’offre et favorisera la croissance de prix.
Au final, le recul de l’offre combiné à une demande de propriétés assez forte stimulée, entre autres, par une baisse des taux d’intérêt et par un changement dans les goûts et préférences des consommateurs, contribue à la hausse des prix.
Ventes d’unifamiliales au Québec
Selon les actes colligés par JLR, une société d’Equifax, depuis le Registre foncier du Québec, 90 463 propriétés unifamiliales ont été vendues dans la province au cours des douze derniers mois, ce qui représente une hausse de 8% par rapport à la même période l’année précédente. Les croissances de ventes en juillet et août ont maintenant plus que compensé les diminutions des transactions au printemps lors de la mise sur «pause» de l’économie.
En août 2020, les ventes d’unifamiliales ont bondi de 29%, une progression qui est partiellement attribuable au décalage des transactions après les reculs enregistrés en mai et juin dernier, mais qui montre également une demande importante sur le marché.
L’effet rattrapage ne peut plus expliquer à lui seul le regain. En fait, les besoins des ménages ont changé au cours des derniers mois et plusieurs semblent chercher à acquérir une propriété, ce qui se traduit par une croissance de la demande. Si les ventes continuent de progresser en septembre, cela sera un signe clair d’un engouement prononcé de la part des acheteurs. .
De septembre 2019 à août 2020, le prix de vente médian des unifamiliales s’est élevé à 264 500 $, soit un gain de 5% par rapport à la même période l’année précédente. Pour août 2020 seulement, en comparaison avec le mois d’août 2019, une croissance de 11% a été enregistrée. La forte demande sur le marché combinée à une offre qui demeure plus faible qu’avant la pandémie fait grimper les prix.
Ventes de copropriétés au Québec
Au cours des douze derniers mois, 37 882 transactions de copropriétés ont été conclues au Québec, un gain de 3 % relativement à la même période un an plus tôt. La situation pour les copropriétés est différente de celles des unifamiliales. Malgré un regain des ventes, celui-ci ne compense pas encore les baisses des mois d’avril, mai et juin. Malgré tout, le nombre de ventes a progressé sur douze mois, car les transactions étaient en fortes hausses avant la pandémie.
Pour le mois d’août, le nombre de ventes a crû de 11 %, soit une augmentation largement inférieure à celle 29 % pour les ventes d’unifamiliales. L’effet rattrapage se fait sentir sur les copropriétés aussi, mais de manière moins prononcée, car un nombre important des transactions pour ce type de propriété concernent des unités situées au centre-ville, endroit où la reprise des ventes se fait plus difficile. Qui plus est, avec une plus grande ouverture des employeurs envers le télétravail, plusieurs cherchent à s’éloigner du centre-ville pour vivre dans des espaces plus grands ce qui est souvent synonyme de maison plutôt que de copropriété. Ainsi, la demande pour les petites unités au centre-ville se fait moins importante que pour les autres types d’habitations.
Le prix médian des copropriétés s’est établi à 269 000 $ pour la période de septembre 2019 à août 2020. Ce montant représente une hausse de 8 % par rapport à l’année dernière. Cela peut partiellement s’expliquer par un acquis de croissance vu les gains avant la pandémie ainsi que par un intérêt accru pour les unités plus grandes donc aussi plus cher. Néanmoins, comme pour les unifamiliales, l’offre de copropriété demeure faible dans plusieurs secteurs comparés à la période précédant la pandémie ce qui soutient les prix. Pour août 2020 seulement, le prix a crû de 4 % relativement à l’année dernière au même mois.
Les copropriétés pourraient être populaires cet automne chez certains Snowbirds qui décideront de s’établir au Québec cet hiver afin d’éviter de retourner aux États-Unis. Certains de ceux-ci n’ont aucune résidence permanente au Québec et pourraient donc être actifs sur le marché immobilier. Ils risquent d’ailleurs d’être particulièrement présents dans le marché des copropriétés ou de la location afin d’éviter tout l’entretien qu’une maison comporte.
L’indice d’accessibilité à la propriété (indice AP)
En août 2020, l’indice AP de la province a atteint 97,1, ce qui représente un léger gain de 0,1 % par rapport à août 2019. L’amélioration de l’indice a grandement diminué par rapport aux derniers mois, car les prix des propriétés ont crû rapidement alors que les salaires ont connu une hausse plus modeste. En fait, le salaire médian a augmenté par rapport à l’année dernière, mais reculé par rapport au dernier mois. Les pertes d’emploi pendant la pandémie ont plus fortement touché les bas salariés, ce qui est venu biaiser la statistique au plus fort de la pandémie. Ainsi, les variations du salaire médian ne sont pas nécessairement dues à des augmentations et diminutions salariales de certains employés, mais plutôt à la réduction d’emploi chez les plus faibles salariés au pic de la pandémie puis à un regain de ces emplois avec la réouverture de l’économie.
De plus, la baisse des taux d’intérêt a permis de minimiser la hausse du paiement hypothécaire type, mais n’a pas pu compenser complètement la croissance du prix des propriétés.
Au final, l’analyse de l’indice doit être effectuée avec prudence et prendre en considération les circonstances actuelles puisque plusieurs individus ont perdu leur emploi et ont vu leur capacité de devenir propriétaire être grandement réduite.
Tendances par ville
Le portrait par ville est particulièrement intéressant en août, car il permet de voir le dynamisme de certaines villes. Ainsi, des hausses importantes de transactions d’unifamiliales au mois d’août ont été constatées à Sherbrooke (+51 %), à Blainville (+81 %), à Granby (+87 %) et à Victoriaville (+93 %). Alors que la métropole était largement favorisée au cours des dernières années, ce sont les régions qui sont particulièrement actives depuis la pandémie. Le télétravail explique en grande partie cette situation. En ce qui concerne les unifamiliales, seul Brossard a vu le nombre de ventes diminuer pour le mois d’août.
Sur douze mois, six villes affichent des croissances de ventes supérieures ou égales à 15 % soit Sherbrooke, Lévis, Granby, Shawinigan et Rimouski.
En ce qui concerne les prix médians, les hausses atteignent plus de 20 % dans plusieurs villes, mais comme le nombre de transactions est faible pour un mois uniquement il faut faire attention aux conclusions fortes. Sur douze mois, sept villes ont vu le prix médian des unifamiliales grimper de 10 % ou plus, soit Terrebonne, Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Jérôme, Blainville, Mirabel, Châteauguay et Saint-Hyacinthe. Ces fortes hausses nous permettent de constater que les villes en banlieues éloignées ont été particulièrement prisées par les acheteurs ce qui a fait bondir les prix.
En ce qui concerne les copropriétés le portrait diffère d’une ville à l’autre. En août, le nombre de transactions a seulement crû à Laval (+1 %) et à Longueuil (+20 %). Le marché de la copropriété à Québec demeure difficile après une certaine stabilisation au cours des dernières années. Le nombre de ventes a diminué de 1 % sur 12 mois et les prix sont en baisses autant en août que sur 12 mois.