Devant l’inflation galopante, la Banque du Canada a relevé mercredi son taux directeur de 100 points de base pour le faire passer à 2,5 % tout en préparant les Canadiens à d’autres tours de vis.
La hausse de 1 % annoncée mercredi est supérieure à celle anticipée par les économistes qui s’attendaient à une hausse de 75 points de base du taux directeur.
L’inflation au Canada est plus élevée et persistante que la Banque le prévoyait et restera probablement autour de 8 % au cours des prochains mois, indique la Banque du Canada pour expliquer sa décision.
Il s’agit de la quatrième hausse consécutive du taux directeur depuis le mois de mars et la hausse la plus agressive depuis 1998.
« Même si des facteurs mondiaux comme la guerre en Ukraine et les perturbations continues de l’approvisionnement ont été les principaux moteurs de l’inflation, les pressions intérieures sur les prix attribuables à la demande excédentaire gagnent en importance. »
L’inflation a atteint 7,7 % en mai au pays, un niveau nettement supérieur à la cible de 2 % visée habituellement par les banques centrales.
« Davantage de consommateurs et d’entreprises s’attendent à ce que l’inflation soit plus élevée pendant plus longtemps, ce qui accentue le risque d’un enracinement de la forte inflation pour l’établissement des prix et des salaires. Si cela se produit, le coût économique pour restaurer la stabilité des prix sera plus grand », précise la Banque du Canada.
Puisqu’il y a une demande excédentaire évidente au sein de l’économie, que l’inflation est élevée et se propage, et que davantage d’entreprises et de consommateurs s’attendent à ce que la forte inflation dure plus longtemps, la Banque du Canada dit avoir décidé « d’accélérer sans tarder » le relèvement des taux d’intérêt.
« La Banque du Canada ajuste encore une fois l’air climatisé dans un effort visant à refroidir l’économie », image l’économiste de la TD, James Orlando.
« Une telle hausse de taux est rare », dit-il. Mais le contexte économique actuel (taux de chômage, inflation et salaires) l’est tout autant et la pression continue de se faire sentir sur la Banque du Canada, commente cet expert.
« Bien que cette hausse de taux augmente le risque de voir l’économie plonger en récession, la Banque du Canada doit accepter ce risque et les conséquences potentielles afin de prévenir que les anticipations d’inflation élevées deviennent encore plus ancrées », ajoute James Orlando.
« Le chemin vers au taux directeur plus élevé encore n’est pas terminé », souligne de son côté l’économiste Sébastien Lavoie, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
La Banque du Canada prévient effectivement qu’elle juge encore que les taux d’intérêt devront augmenter davantage et que le rythme des hausses sera guidé par l’évaluation continue de l’économie et de l’inflation.
La Banque du Canada s’attend à ce que l’économie canadienne progresse de 3 ½ % en 2022, de 1,75 % en 2023 et de 2,5 % en 2024.
« L’activité ralentira à mesure que la croissance mondiale s’essoufflera et que le resserrement de la politique monétaire fera sentir ses effets dans l’économie », indique-t-on.
« Ces facteurs, conjugués à la résolution des perturbations de l’approvisionnement, rétabliront l’équilibre entre l’offre et la demande et atténueront les pressions inflationnistes. Les prix mondiaux de l’énergie devraient aussi reculer. »
La Banque du Canada s’attend à ce que l’inflation commence à redescendre plus tard cette année pour se situer autour de 3 % à la fin de l’année prochaine et qu’elle retourne à la cible de 2 % à la fin de 2024.
La Banque du Canada n’anticipe pas une récession au pays au cours des deux prochaines années dans son scénario de référence. Toutefois, dans son rapport sur la politique monétaire publiée mercredi, elle prévient que le risque de récession augmente si l’inflation devait s’enraciner et déclencher une spirale des salaires et des prix qui s’autoalimente.
Plus l’inflation se maintient largement au-dessus de la cible, est-il souligné, plus la probabilité d’une spirale des salaires et des prix augmente. La Banque du Canada ajoute que cette probabilité s’accentue également si les entreprises ont en place des conventions collectives pluriannuelles qui prévoient de fortes hausses salariales chaque année.
Le taux directeur avait été relevé d’un demi-point de pourcentage le 1er juin, ce qui l’avait porté à 1,5 %.
La prochaine date d’établissement du taux directeur est le 7 septembre.