Bientôt une assurance inondation obligatoire?

Source: www.journaldemontreal.com

 

Ce sont les catastrophes naturelles les plus courantes et coûteuses au pays

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PHOTO D’ARCHIVES, AGENCE QMIUne voiture presque totalement submergée par les flots, lors de la catastrophe de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, en avril 2019.

Face à l’explosion du coût des inondations, Ottawa souhaite se doter d’un programme d’assurance privée et envisage une assurance inondation obligatoire pour les propriétaires, particulièrement ceux dont les résidences sont en zone inondable.

«En ce moment, on est dans un régime d’assurance publique financé par les taxes et impôts. C’est sans prime par contre. Le gouvernement veut augmenter son revenu avec une prime d’assurance, pour un régime qui sera bonifié, parce que les coffres de l’État sont vides et les problèmes commencent», résume Louis Cyr, courtier d’assurances et gestionnaire de risques.

Le constat est clair : le coût des inondations au Canada explose pour atteindre une perte annuelle de près de 3 milliards de dollars. Les inondations sont les catastrophes naturelles les plus courantes et les plus coûteuses au pays, et elles sont en constante augmentation à cause des changements climatiques et du développement immobilier, explique le groupe de travail sur l’assurance contre les inondations dans son rapport publié la semaine passée.

Depuis 2017, les assureurs offrent une couverture inondation. Mais «les assureurs ne veulent pas s’approcher de la rivière et restent sur le bord de la montagne», explique Louis Cyr.

En fait, les résidences situées en zone à risque élevé ne sont pas assurées. Or elles représentent 90 % des risques d’inondations résidentiels.

Les coûts pour l’État explosent

De ce fait, la quasi-totalité des coûts retombe sur le programme d’aide aux sinistrés des catastrophes naturelles, autrement dit sur Québec, lui-même appuyé par Ottawa.

Au fédéral, on planche donc sur un «modèle d’assurance contre les inondations privé et abordable pour l’ensemble de la population» afin de faire face à l’augmentation des coûts, mais aussi afin d’inciter la population à diminuer son risque personnel.

Même si on n’en est pas encore à la mise en œuvre, des options se dessinent et celles qui cochent le plus de cases rendraient l’assurance inondation obligatoire.

Elle pourrait ainsi devenir une exigence pour obtenir une hypothèque ou s’attacher automatiquement à une police d’assurance habitation, comme c’est déjà le cas pour les tornades.

Répartir le risque

Michael Bourdeau-Brien, professeur à l’Université Laval, explique que le caractère obligatoire s’explique par la manière dont fonctionne une assurance : on cherche à répartir le risque entre un grand nombre d’assurés.

Cela permet aussi «de s’assurer que les gens qui en ont besoin la prennent, sachant que c’est un risque sous-estimé».

Les systèmes envisagés transfèrent tous une partie des coûts aux propriétaires. La prime serait variable en fonction du risque, mais supportée par le gouvernement. Le niveau d’intervention publique est à déterminer.

IL FAUT PRÉVENIR ET PAS SEULEMENT GUÉRIR

«L’assurance n’est qu’une des pistes de solution», souligne Michaël Bourdeau-Brien, professeur en finance et assurance à l’Université Laval.

Au-delà d’un meilleur système d’indemnisation des victimes, le rapport du groupe de travail sur l’assurance contre les inondations rappelle l’importance de la prévention et la réduction des risques d’inondation.

Sur le plan de la prévention, il faut remonter aux causes de l’intensification des inondations. D’abord, il y a la forte augmentation du nombre de personnes qui vivent dans des zones à haut risque d’inondation.

Au Québec, il y a 340 000 résidences exposées à un risque moyen ou élevé, selon le Bureau d’assurance du Canada. Et l’augmentation de la population en zone inondable continue, nous dit le rapport. Les experts préconisent de mettre à jour la cartographie des zones inondables et de revoir la planification d’aménagement du territoire.

Autre piste évoquée par Michaël Bourdeau-Brien : aider à la relocalisation des habitations en zone à risque élevé d’inondations.

«Souvent, la relocalisation est beaucoup plus rentable que ce qu’on croit et elle permet d’éliminer le risque», mentionne-t-il.

Ensuite, il y a les changements climatiques. Dans ce sens, «arrêtons de brûler du pétrole, du gaz et du charbon pour éviter d’accentuer le problème», lance Émile Boisseau-Bouvier. Le porte-parole d’Équiterre estime que, pour le moment, «on n’est pas en voie d’atteindre nos cibles de réduction des gaz à effet de serre, des cibles déjà pas assez ambitieuses».

Aménager les espaces naturels

Sur le plan de la réduction des risques, les mesures structurelles peuvent aider à réduire les dégâts lors d’une inondation, mais il y a aussi l’aménagement des sols et des espaces naturels.

«Oui, ça peut être une digue, mais souvent les investissements qui ont le meilleur rendement, c’est préserver nos espaces naturels qui nous rendent déjà les services écologiques», souligne M. Boisseau-Bouvier. Il explique que les sols bétonnés et sans végétation absorbent beaucoup moins l’eau. Préserver les milieux humides qui ont un rôle d’éponge, limiter l’étalement urbain et avoir un maximum d’arbres est très efficace.

 

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